La réutilisation des eaux recyclées désormais plus limpide
Le plan Eau du gouvernement a ouvert la voie à la rédaction d’un décret relatif à la réutilisation des eaux non conventionnelles dans l’industrie agroalimentaire. Un arrêté, paru en juillet, clarifie les conditions d’utilisation de ces eaux.
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Utilisation au sein des processus de fabrication, lavage des matières premières, incorporation comme ingrédient, nettoyage des installations et des outils ou encore usages sanitaires… L’eau est au cœur de l’industrie agroalimentaire (IAA). La fabrication des aliments consomme près de 340 millions de m3 (Mm3) d’eau par an, soit 1,1 % des prélèvements d’eau douce effectués sur le territoire français. Les activités les plus consommatrices concernent la fabrication de produits amylacés (90 Mm3/an), laitiers (70 Mm3/an), à base de viande (25 Mm3/an), la fabrication du sucre (12 à 17 Mm3/an) et du vin (13 à 15 Mm3/an).
Depuis 1994, les prélèvements en eau se réduisent (-1,6 % par an en moyenne) avec une proportion des eaux de surface prélevées stable, autour de 60 %. Et des pratiques de réutilisation d’eaux (eaux issues des matières premières, eaux utilisées au cours d’une étape du processus de transformation et qui sont réutilisées dans le processus industriel) ont été mises en place.
En mars 2023, le gouvernement a lancé le plan Eau à la suite des fortes chaleurs de l’été 2022. Visant à améliorer la gestion de l’eau dans l’Hexagone face aux sécheresses appelées à se multiplier, il comporte un volet sur la réutilisation des eaux traitées (REUT), avec pour objectif 1 000 projets d’ici à 2027 et un taux de réutilisation des eaux usées de 10 %, contre moins de 1 % avant sa mise en œuvre. À titre de comparaison, ce taux avoisine les 15 % en Espagne et 90 % en Israël.
Cinquante-cinq sites industriels ont été intégrés à ce plan Eau, tels que ceux de la coopérative Isigny Sainte-Mère dans le Calvados, de Cristal Union dans la Marne, d’Entremont Sodiaal dans le Morbihan ou encore le complexe industriel de Nesle (Somme) auquel appartient une amidonnerie de Tereos.
Un décret révisé
L’installation du plan Eau a mené à la sortie d’un premier décret n° 2024-33 en janvier 2024, qui précise les conditions de réutilisation des eaux dans l’industrie agroalimentaire. « Au lieu de répondre aux attentes des filières agroalimentaires et d’offrir de nouveaux horizons réglementaires, ce premier texte imposait encore plus de contraintes », indique Mariane Flamary, déléguée générale à l’Union des syndicats des industries des produits amylacés et de leurs dérivés (Usipa). « Il faisait obstacle aux pratiques actuelles de réutilisation de l’eau sur nos installations », complète Kristell Guizouarn, directrice affaires publiques, RSE et communication chez Tereos.
Les filières IAA se sont alors mobilisées pour présenter un plan de sobriété hydrique et demander la révision du décret. Celui-ci a finalement été revu et un arrêté est sorti le 8 juillet. Il autorise les entreprises du secteur alimentaire à « utiliser les eaux recyclées issues de matières premières, les eaux de processus recyclées et les eaux usées traitées pour toutes les étapes de la préparation, de la transformation et de la conservation des denrées et marchandises destinées à la consommation humaine ». Cela s’entend avec ou sans contact avec les denrées, mais exclut toujours l’utilisation de ces eaux non conventionnelles comme « ingrédient entrant dans la composition des denrées alimentaires finales ».
Toujours des insuffisances
« Un dernier obstacle subsiste, celui de pouvoir utiliser l’eau recyclée et traitée en tant qu’ingrédient, comme cela se fait pourtant dans des pays voisins comme la Belgique », souligne Kristell Guizouarn.
Si LCA et l’Ania se félicitent de ce nouveau cadre réglementaire qui « marque une avancée majeure pour les industries agroalimentaires et la sobriété hydrique de leurs productions » pour « atteindre les objectifs du plan Eau », certaines filières restent sur leur faim. « C’est un décret qui doit nous réjouir collectivement car il va permettra à certaines filières comme l’industrie laitière de réaliser de réelles économies, affirme Mariane Flamary. Mais pour d’autres secteurs, il reste insuffisant. »
Samuel Dufay, responsable environnement chez Tereos, insiste : « Nous ne pouvons pleinement nous satisfaire du décret tel qu’il est aujourd’hui. » L’entreprise, qui s’est fixé une réduction de sa consommation en eau de 30 % dans l’UE et de 20 % dans le reste du monde d’ici 2030, aurait préféré un texte plus ambitieux. « Dans notre amidonnerie d’Alost, en Belgique, nous avons la possibilité de réutiliser l’eau issue de l’usine comme ingrédient, après passage dans une station de traitement industriel », précise Samuel Dufay. Avec l’aide d’une entreprise belge de traitement des eaux, Tereos a mis au point un système de filtration à trois étages. Un premier dit « d’ultrafiltration » élimine les particules en suspension, puis un système d’osmose inversée utilise une membrane semi-perméable pour séparer l’eau des contaminants. Et enfin une désinfection à l’aide de lampes ultraviolettes vient éradiquer tout risque bactérien résiduel. « Avec un tel procédé, nous espérons améliorer de 20 % notre consommation d’eau dans l’usine », précise Samuel Dufay.
Pour le moment, la réglementation française bloque tout type de projet allant dans ce sens. « Nous espérons pouvoir faire bouger les lignes à l’avenir, en apportant des éléments concluants sur l’intérêt de nos procédés grâce à notre exemple belge », conclut Kristell Guizouarn.
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